« Le bonheur est une petite chose que l’on grignote assis par terre, au soleil »
Cette phrase lue par hasard il y a longtemps et originaire de je ne sais plus quelle bouche, a résonné dans toute mon âme et tient toujours une grande place dans ma vision de la vie. Elle peut prendre tout son sens dans le plus infime et inattendu moment d’une journée.
Lorsque je suis retournée au Pérou pour la première fois, vingt ans après ma venue, j’avais l’intention d’y rester un mois, puis de continuer mon trip en sac à dos autour de l’Amérique du sud. Finalement, je ne suis pas sortie du Pérou pendant les cinq mois de mon séjour, mais je l’ai parcouru presque dans tous les sens.
Ce qu’il faut savoir tout d’abord, c’est que le Pérou est très distinctement séparé en trois régions climatiques : la Costa (la côte pacifique), la Sierra (la région montagneuse) et la Selva (la forêt tropicale). Tandis que la Costa est une fine bande désertique longeant l’océan pacifique à l’Ouest du pays, du Nord au Sud (ou du Sud au Nord, c’est comme vous voulez), la Sierra est formée par la Cordillère des Andes avec ses volcans et son plus haut sommet à 6768 mètres, appartenant au Huascarán. La jungle occupe environ 60% de la superficie du pays et abrite une mégadiversité biologique.
Ça veut dire quoi ? Et bien qu’entre autres, il y a de quoi se régaler dans ce pays 🙂 : et oui, la cuisine péruvienne regorge de trésors gustatifs ! Elle s’est développée tout aussi bien par les traditions autochtones que par l’influence de la culture espagnole importée après 1492, et des chinois arrivés dès le milieu du XIXe siècle. Wow ! Ce dernier métissage donna naissance au Chifa, une cuisine fusion sino-péruvienne. Mais la cuisine traditionnelle n’est pas en reste, grâce à de grands chefs comme Gaston Acurio qui la magnifient tout en innovant. Pour avoir goûté dans son restaurant à plusieurs plats vegan, je peux vous dire qu’il faut absolument l’essayer. Lorsque j’y retourne, je vous fais un rapport complet, promis !
Mais aujourd’hui, je veux partager une expérience vécue lors de mon voyage en 2009, dans la haute Sierra, à Pampas. 3276 mètres au dessus de la mer, où ma grand-mère vécut une grande partie de sa vie. Ayant eu vent de mon arrivée, les voisins de la presque ruine qui abrita autrefois mon ascendante préparèrent un festin. Lorsque je m’aperçus qu’ils avaient tué un mouton en mon honneur, cela me fendit le cœur et je dus leur dire que malgré que leur geste, je ne mangerais pas de viande… Incrédules d’abord (quoi ? Pas de viande ? Nooon… Non ???), ils respectèrent mon choix et je n’eus plus qu’à me régaler avec les autres mets de la Pachamanca.
En quechua, la langue des Incas parlée encore aujourd’hui dans les Andes, Pacha signifie Terre, et Manca veut dire casserole, récipient pour cuire des aliments. La Pachamanca est un rituel typique de la Sierra. On creuse un trou dans la terre, on y forme un lit de pierres préalablement chauffées dans le feu, puis on y dépose différentes sortes de patates : des jaunes, des douces… On couvre avec quelques pierres, on ajoute de la viande fortement pimentée et aillée, encore quelques pierres et on recouvre le tout avec des feuilles de bananier ou parfois d’autres feuilles et branches selon la végétation locale. Sur le dessus, on place des humitas : une pâte de maïs sucrée ou salée habilement emballée dans une feuille de maïs, ainsi que des gousses de fèves, des bananes plantain et des épis de gros maïs blanc. On recouvre à nouveau de feuilles de maïs, puis entièrement avec un tissu, avant de recouvrir une dernière fois avec de la terre. La cuisson dure entre deux et trois heures. L’attente en vaut la peine car c’est un vrai régal ! Au-délà du plaisir gustatif, cette tradition réunit les gens autour d’un but commun.
Tout le monde participe à sa préparation qui est en elle-même déjà une fête ! Les hommes à la formation de la Pachamanca et les femmes à la préparation des humitas, dans des conversations interminables et des échanges précieux, alors que les enfants de tout âge courent dans tous les sens, et, lors de ma venue, prenaient plaisir à poser pour mon appareil avec grande fierté. Le repas fut un moment finalement calme, assis par terre, au soleil…
La petite anecdote
A l’époque, je mangeais encore exceptionnellement des produits laitiers. La Pachamanca est habituellement servie avec du Habchi : un mélange crémeux de fromage frais, de piment et de Huacatay, une herbe typique cousine de la menthe et terriblement délicieuse. Ce jour-là, j’ai vidé presque tout le bol avec mes savoureuses patates jaunes typiques de la région. Je ne sais pas si ce fût mon manque d’habitude au lactose, aux microbes locaux ou une malédiction vegan (certainement les trois ensemble), mais quelques heures plus tard, j’étais au fond du lit vêtue de tous les habits que j’ai pu trouver et traversée par de violents spasmes. Bien que le soleil se montre chaque jour, les nuits sont rudes à Pampas, et l’eau est glacée, donc pas de douche chaude possible… J’ai passé une nuit désastreuse et dû être évacuée dès le lendemain à Huancayo : la ville la plus proche à une heure de voiture par l’unique route caillouteuse en terre battue. J’ai ensuite vécu les moments parmi les plus effrayants de ma vie, entre fièvre au-dessus de 42 degrés, hallucinations et paralysie totale ! Tout est rentré dans l’ordre quelque temps après la prise de puissants antibiotiques trouvés en ville au milieu de la nuit par mes infirmiers de fortune… Bien que sois à 100% pour les médecines naturelles, ce jour-là, faute de chaman sous la main, le côté obscur de la force m’a sauvée… 🙂
Katia
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